Charles Méthot

Voici en quelques lignes le récit de mon expérience avec le cancer du testicule. Mon expérience jusqu’à maintenant, devrais-je dire, puisqu’elle se poursuit. Non pas parce que le cancer s’aggrave ou se propage, Dieu merci, mais bien parce les séquelles sont permanentes. Même si j’espère bien en avoir fini avec la maladie, très peu me suffit pour me rappeler que je l’ai eue.

Je tiens à vous avertir, cher lecteur, j’utilise souvent l’humour pour parler du mal qui m’a affligé. Mais ce n’est pas parce que je prends la chose à la légère, bien au contraire. Il s’agit en fait d’un moyen de défense. Je n’utilise pas l’humour pour cacher ou dissimuler une réalité bien présente, mais simplement pour l’agrémenter afin qu’elle soit plus facile à porter. Il faut prendre la chose avec philosophie. Devant le fait accompli, mieux vaut en rire que d’en pleurer.

Fidèle à mon habitude matinale, je me suis levé ce jour-là en portant la main là où les hommes diffèrent des femmes. J’ai alors senti une protubérance inhabituelle sur le membre droit de l’inséparable duo. Inséparables les croyais-je alors. Par je ne sais trop quel orgueil mal placé, plutôt que d’aller voir directement le médecin, j’ai décidé d’attendre, me disant qu’il s’agissait probablement d’un simple kyste voué à disparaître. Comme de fait, pendant les jours qui suivirent, ladite protubérance perdit en volume, entraînant dans son sillon mes craintes et mon angoisse. « Voilà, ce n’est rien de grave, ça s’en va! »

Je m’adresse ici aux hommes n’ayant pas été atteints du cancer du testicule, mais susceptibles peut-être de l’être un jour. L’erreur fondamentale la plus commune se trouve ici. N’attendez pas quoi que ce soit avant d’aller voir le médecin. Allez-y tout de suite, même si comme moi vous détestez les hôpitaux et n’y allez qu’en dernier recours. Comme vous allez le voir dans la suite de mon récit, si je n’avais pas rencontré une personne en particulier, j’aurais probablement attendu. S’il s’agit d’un cancer, il peut alors profiter de cette attente pour monter et se frayer un chemin jusqu’à la vessie, aux intestins, etc. Mieux vaut agir vite et bloquer à la source.

Ce n’est que quelques jours plus tard que par un pur hasard, j’ai rencontré dans un bar un vieil ami que je n’avais pas vu depuis longtemps. Pour une raison ou une autre, probablement parce que sous l’effet de l’alcool, je lui ai parlé de ce qui m’arrivait. Il s’agissait d’Alexandre Désy, membre fondateur du Cancer Testiculaire Canada, qui venait tout juste d’être atteint du cancer du testicule, chose que j’ignorais avant de lui en parler. C’est donc à lui que je dois d’être allé voir le médecin illico.

Un des buts de l’organisme Cancer Testiculaire Canada est justement de jouer le rôle qu’Alexandre a joué pour moi. C’est-à-dire celui d’informateur, d’avertisseur, de prévenant.

Deux jours plus tard, je suis allé à la clinique voir le médecin. Après tâtonnement, me disant qu’il s’agissait probablement d’un kyste (« ouff! »), il me recommande tout de même d’aller faire une échographie testiculaire. Le médecin m’a donné le choix entre le public et le privé. J’ai décidé d’aller la faire dans une clinique privée. Il a appelé la clinique sur place et m’a pris rendez-vous, moins d’une semaine plus tard. J’y suis allé, tout de même confiant. J’arrive, une belle docteure derrière la sonde. La confiance ne dure pas très longtemps en de pareilles circonstances. J’avoue avoir trouvé cette phase assez nébuleuse. Après l’échographie, sait-on qu’il s’agit d’un cancer? Quel est le rôle de l’échographiste exactement? Un manque de communication entoure cette phase, ce qui peut s’avérer troublant pour la suite des choses. Quoi qu’il en soit, d’après les résultats de l’échographie, on me réfère à un urologue qui saura m’en dire davantage. On me donne un numéro. J’appelle. Je dis que telle clinique m’a dit d’appeler et de prendre rendez-vous. On fixe une date. Qu’est-ce qu’un urologue au juste?

Urologie

L’urologie (du grec ancien οὖρον oûron, signifiant « urine », « liquide séminal ») est le domaine de la médecine qui s’applique aux reins, aux voies urinaires des hommes et des femmes, et au système reproducteur masculin (appareil urogénital masculin). L’urologie est une spécialité chirurgicale. Les praticiens qui s’en occupent sont appelés urologues.

Ah bon!, très bien, je vais voir un urologue, ne sachant toujours pas ce qui m’afflige. J’arrive. On ne perd pas de temps. D’emblée il me met au courant. Je suis atteint du cancer des testicules. On ne prend pas de chance dans ces cas, on coupe. « Merde! » Il m’explique en quoi consiste l’opération, qui se fera la semaine prochaine sois-dit en passant. Suivent des explications sur le cancer des testicules en général, des statistiques, etc. Questions d’usage sur la santé globale. Tests de pression, respiration, etc. « Avez-vous des questions? » « Euh!, oui : Pouvez-vous tout répéter s.v.p., je crois avoir mal compris? » Bref, la pilule est dure à avaler sur le coup.

Puis on retâtonne. Petite cerise sur le sundae, une jeune stagiaire en urologie est présente. «Permettez-vous qu’elle se fasse la main afin de déceler plus facilement la prochaine fois? » Que ne ferait-on pas pour le bien de la science! « Je vous en prie mademoiselle, faites-vous la main. »

Je me présente la semaine suivante pour l’opération. Tout va si vite. La protubérance a encore rapetissé. Je ne la sens presque plus. Que se passe-t-il? S’agit-il bel et bien d’un cancer? Pourrais-je avoir un second avis? J’aimerais bien être plus encadré!!

Comme de fait, elle a rapetissé. L’urologue le voit bien aussi. Il a de la misère à la retrouver. Voyant bien mon inquiétude et mon questionnement, il me propose quelque chose : Je vais chercher illico les résultats de mon échographie testiculaire à la clinique, puis il les comparera aux résultats de nouvelles échographies qu’il fera à mon retour, question de voir l’évolution depuis les 2 dernières semaines. C’est ce que je fais, à la course d’ailleurs. Je reviens, nouvelle échographie. Malheureusement, c’est toujours là, c’est juste que ce n’est plus à la surface mais plus à l’intérieur. Va falloir procéder. Mais pas aujourd’hui tel que prévu. Il est trop tard. Ce sera la semaine prochaine.

Une semaine de plus à faire mon deuil. J’ai hâte qu’elle passe. Qu’on en finisse! Voilà, le jour J est arrivé. J’ai le choix : anesthésie partielle ou générale. Ayant déjà subi une anesthésie générale, je choisis la partielle. Ce n’est pas recommandé d’en avoir plusieurs et le réveil de la précédente a été particulièrement brutal.

Juste avant d’être piqué, j’accroche le médecin : « S.v.p. docteur, n’enlevez pas la mauvaise ! » Je blague à moitié. La veille j’en ai fait des cauchemars. J’en fais encore aujourd’hui à ce propos d’ailleurs. Il me répond de l’air le plus sérieux : « J’en fais des cauchemars avant chaque opération, n’ayez aucune crainte. » Il y a quelque chose de réconfortant à savoir que l’on rêve aux mêmes choses qu’un chirurgien.

J’épargne les détails de l’opération. Le dégel est pénible. Je n’ose regarder pendant les premières heures. Finalement j’ose. Merde. Comment se sent-on? Asymétrique. On s’en remet par contre. On a porté atteinte à mes joyaux. La couronne a été dérobée mais me reste le sceptre pour assurer la royauté.

Charles Méthot

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