Sentiments face au cancer

Le diagnostic d’un cancer, quel qu’il soit, est un choc pour celui qui le reçoit. Ce diagnostic laisse souvent place à des sentiments d’injustice, de tristesse, de colère et de nombreuses inquiétudes face à sa vie, ses relations, sa carrière, etc. La surprise et l’incompréhension sont d’autant marquées, pour le patient et ses proches, quand le cancer frappe à la fin de l’adolescence et au début de l’âge adulte, tel qu’il en est fréquemment le cas pour le cancer du testicule. En effet, cette période de la vie comporte son lot d’enjeux développementaux, comme le choix de carrière, les rapports de séduction, l’engagement dans des relations amoureuses, la quête d’une plus grande autonomie et indépendance, etc. Le cancer peut donc donner l’impression que l’élan vers la vie adulte est drastiquement ou injustement freiné. Sachez cependant que le cancer du testicule se traite bien et que, pour la plupart d’entre vous, cette période sera une période transitoire dans la continuité de votre vie. Voici une série de préoccupations qui peuvent s’apparenter aux vôtres et des informations variées pour vous guider dans votre expérience du cancer du testicule.

ON VIENT DE M’ANNONCER un diagnostic de CANCER DU TESTICULE. JE SUIS SOUS LE CHOC DE LA NOUVELLE. QUE DOIS-JE FAIRE? À QUI DOIS-JE EN PARLER?

La nouvelle du diagnostic est certainement déstabilisante à plusieurs égards. Vous l’appréhendiez probablement suite à la découverte d’une bosse, mais vous souhaitiez une autre issue. L’annonce d’un diagnostic de cancer peut être une période de crise où les questionnements se bousculent rapidement ou encore, où vous avez l’impression d’être assommé, figé, dépassé par ce qui se produit. Le diagnostic correspond à une perte de repères importante, souvent accompagnée d’anxiété. Il est subitement difficile de se projeter dans l’avenir. Ce qui était planifié semble tomber en ruine. Ce n’est donc pas un bon moment pour prendre des décisions importantes dans les différentes sphères de votre vie ou faire des choix qui auraient des conséquences significatives à long terme, tel que quitter son emploi, son amoureux/amoureuse, etc. Rappelez-vous que vous êtes sous le choc et que votre pensée peut être brouillée par des craintes et émotions variées. Rassurez-vous, l’intensité des émotions actuelles risque de s’amoindrir dans les prochaines semaines, quand vous aurez davantage de repères. S’adapter à une telle nouvelle prend du temps. Vos capacités d’adaptation se mettront en œuvre. Ainsi, avec le recul, vous serez plus en mesure de vous situer.

Nous vous conseillons d’au moins attendre de connaître votre traitement, ses implications et le rythme de vie que vous pourrez mener avant de prendre toute décision majeure par rapport à vos engagements. Des mesures peuvent être prises avec votre employeur ou votre institution d’enseignement pour vous permettre de suivre les traitements, sans conséquence majeure sur la suite de votre parcours (nous y reviendrons). Pour l’instant, l’important est surtout de prendre soin de vous, de suivre les conseils de l’équipe médicale, de tenter de vous apaiser en vous centrant sur le fait que cette équipe fera tout en son pouvoir pour vous traiter. Prenez en note les questions qui vous restent en tête pour que vous puissiez les poser lors de votre prochain contact avec cette équipe. Concentrez-vous sur une étape à la fois et prenez le temps de vous reposer ou de vous défouler dans des activités qui permettent de vous libérer de vos émotions fortes, comme l’anxiété.

Selon votre personnalité et votre situation actuelle, vous aurez envie ou non de partager rapidement la nouvelle avec les autres. Certains préfèreront s’isoler et de n’en parler qu’à quelques personnes plus significatives. C’est tout à fait légitime de prendre le temps de saisir la nouvelle et ses implications avant de la divulguer aux autres. Tentez surtout de respecter votre rythme, vos souhaits et vos besoins par rapport au partage avec les autres des informations sensibles. Certains trouvent difficile émotivement de devoir répéter à plusieurs personnes des faits qui demeurent confrontant pour eux. Nous vous recommandons de vous appuyer minimalement sur le soutien social dont vous bénéficiez, en vous entourant d’au moins une personne significative. L’avantage est de ne pas rester seul avec vos réactions et dans ce cheminement qui vous sollicite déjà beaucoup et qui comporte de nombreuses décisions à prendre. Demandez de l’aide si vous avez l’impression de perdre le contrôle.

Pour vous aider à annoncer la nouvelle aux autres, n’hésitez pas à déléguer à un proche de confiance la responsabilité de les informer (un porte-parole). Si vous en sentez le besoin, cette personne pourra continuer d’informer les autres sur l’évolution de votre état de santé, afin de vous préserver des réactions émotives et des nombreuses questions de l’entourage. Utiliser ainsi un porte-parole est une manière appropriée de mettre des limites claires face aux réactions des autres qui vous surchargent émotivement, si tel est le cas, tout en les gardant informés. L’utilisation des réseaux sociaux (internet) peut également permettre d’informer rapidement un grand nombre de personnes, en un seul envoi, tout en vous donnant le temps de choisir les mots et le langage à utiliser, ce qui est parfois plus difficile dans une conversation face à face. C’est une autre manière de se protéger des réactions émotives des autres à un moment où vous devez vous-mêmes vous adapter… En somme, nous vous conseillons de cibler ceux à qui vous souhaitez en parler. Il n’est pas nécessaire de divulguer votre situation médicale à tous (par exemple sur les médias sociaux). Tentez de vous positionner sur ce qui vous convient. Faites-vous confiance, vous vous connaissez assez pour décider.

 

JE ME SENS CHAMBOULÉ AU PLAN ÉMOTIF, DIFFÉRENTES ÉMOTIONS SE SUCCÈDENT, QUE DOIS-JE FAIRE POUR ME SENTIR MIEUX ? DOIS-JE CONSULTER UN(E) PSYCHOLOGUE ?

 

Toutes les étapes de la trajectoire de soins liée au cancer (’investigation, annonce du diagnostic,  «marathon des traitements », etc.,) apportent leur lot de défis qui vous sollicitent dans vos capacités d’adaptation. En effet, le cancer est une nouvelle réalité qui s’impose et amène avec elle son lot de changements et de décisions à prendre dans les différentes sphères de votre vie. Il est donc tout à fait normal et attendu que vous vous sentiez un jour ou l’autre débalancé et affecté par ce qui vous arrive. De nombreuses questions, réactions et émotions risquent de se présenter à vous. Celles-ci pourront vous surprendre, vous gêner, vous questionner par rapport à vous-mêmes et vos ressources/forces personnelles. Vous aurez peut-être parfois l’impression de ne plus vous reconnaître. Plutôt que de vous juger négativement quand ces réactions surviennent, gardez en tête que traiter un cancer demande également de prendre soin de soi au plan psychologique !

Différents moyens peuvent être adoptés pour vous aider à mieux vous adapter et vous sentir. Par exemple, tentez d’être à l’écoute de votre niveau d’énergie et de vos émotions pour établir un rythme de vie qui vous est propre, adapté à votre situation actuelle. Tentez également de cibler les moyens qui vous ont été utiles par le passé pour traverser d’autres périodes difficiles. Vous connaissez mieux que quiconque ce qui vous fait du bien. Essayez de multiplier l’utilisation de ces moyens dans votre quotidien, pour autant qu’ils ne nuisent pas à votre santé ou à votre traitement. Par exemple, si le sport vous a toujours permis de vous défouler, tentez de vous maintenir actif! Par contre, l’alcool et les drogues utilisés par certains pour se détendre ou oublier leurs problèmes n’ont qu’un effet temporaire et ne règleront pas vos difficultés émotives, en plus de nuire à votre état de santé.

On conseille également de s’entourer de gens qui vous font du bien, que ce soit des amis ou votre famille, et de maintenir une communication fluide avec eux tant sur ce que vous ressentez, que sur vos besoins et attentes. On vous répètera que c’est le temps de vous appuyer sur vos proches, mais ceux-ci veulent probablement être situés sur vos besoins, attentes et limites. Utilisez le soutien de vos proches pour déléguer des tâches qui vous en demandent trop. Vous constaterez peut-être que l’attention des proches, très présentes au départ, s’atténuera avec le temps, parce que les autres sont plongés dans leur propre réalité, c’est bien normal! Ne vous gênez pas pour exprimer vos besoins et attentes, à travers le passage du temps. Le soutien social est une grande protection psychologique !

N’hésitez pas non plus à rappeler à vos proches que d’autres sujets que votre cancer continuent de vous intéresser ! Dans cette perspective, se concentrer sur d’autres aspects de la vie sur lesquels vous avez plus de contrôle pourrait être bénéfique.

Si vous vous sentez stressé ou anxieux, vous pouvez aussi vous tourner vers des méthodes de relaxation. Les techniques de respiration profonde, la méditation laïque (ou pleine conscience) et le yoga ont notamment fait leurs preuves pour diminuer l’anxiété. Certains décident, par exemple, d’essayer des activités comme le yoga. Informez-vous autour de vous sur les services offerts à cet effet. Selon votre niveau d’énergie à respecter, l’exercice physique peut également avoir un impact positif sur votre système nerveux! Continuez d’être minimalement actif!

Essentiellement, la décision de rencontrer un professionnel, comme un psychologue, vous appartient. Certains jeunes adultes avec un cancer se sentent différents et incompris de leurs amis ou gens de leur âge, même s’ils essaient de partager leur expérience avec eux. Solliciter l’aide d’un psychologue spécialisé en oncologie ou participer à un groupe de soutien avec d’autres patients peut représenter des moyens soutenants pour traverser les étapes de la maladie. Ils aident à se situer par rapport à cette expérience désagréable et à développer des moyens d’aller de l’avant dans votre vie et vos traitements.

Le psychologue en oncologie a pour rôle principal d’évaluer la détresse psychologique ou les répercussions psychologiques du cancer sur vous et votre entourage à toutes les étapes de la maladie. Son intervention vise essentiellement à soulager la souffrance et à favoriser votre adaptation. Il cherche à vous aider à développer des moyens (stratégies adaptatives) pour faire face aux étapes du cancer et retrouver une qualité de vie, à partir de qui vous êtes. Le psychologue peut aussi vous soutenir dans la compréhension des changements dans vos relations et dans les discussions à mener avec vos proches.

N’hésitez pas à parler de vos préoccupations avec votre équipe traitante qui pourra cibler vos besoins et vous diriger vers la ressource professionnelle qui vous convient. Est-ce un psychologue, un travailleur social ou une sexologue que vous devriez consulter ? L’expression de vos besoins permettra de le déterminer.

Certains signes peuvent amener votre équipe traitante à vous encourager à consulter une ressource professionnelle, signes qui se rapportent à un niveau de détresse psychologique important à considérer. Parmi ces signes, notons l’insomnie, la perte d’appétit, des maux de ventre ou nausées non expliqués par une cause médicale, la perte d’intérêt, des difficultés de concentration, une irritabilité, un isolement, etc. Au niveau de vos pensées, si vous avez tendance à vous culpabiliser pour le cancer ou si vous pensez que le « pire se produira », on pourrait également vous proposer une aide psychologique pour vous aider à traverser plus facilement l’expérience du cancer. Il en sera ainsi si vous avez des idées noires, un historique de déprime/dépression ou si vous ressentez un découragement important à l’une ou l’autre des étapes de votre parcours. Toute anxiété, toute tristesse, tout découragement ou toute autre émotion qui revient souvent, qui perdure dans le temps ou qui se présente de façon très intense, jusqu’à nuire à votre fonctionnement global mériterait d’être adressée par une ressource professionnelle. Le but n’est surtout pas de vous juger, mais bien de vous permettre d’avoir une aide appropriée pour retrouver une qualité de vie appréciable malgré le cancer. Osez essayer ces ressources proposées et vous serez, ensuite, en mesure de juger si elles vous conviennent ! Ne restez pas seul avec votre détresse, votre équipe médicale se préoccupe de vous en tant qu’individu.

JE SUIS RÉTICENT À PARLER DE MON CANCER À MES AMIS ET MA FAMILLE PARCE QUE J’AI L’IMPRESSION DE TROP LES ATTRISTER. PARFOIS, J’AI MÊME L’IMPRESSION QUE CELA LES AFFECTE DAVANTAGE QUE MOI! COMMENT PUIS-JE LES AIDER? EXISTE-T-IL DES SERVICES LEUR ÉTANT DÉDIÉS?

 

Puisque vous avez déjà à gérer vos propres émotions et les impacts de la maladie au quotidien, il n’est pas à vous de prendre en charge les émotions des autres. Rappelez-vous que c’est la situation (le cancer) et non vous qui êtes responsables de leur peine. Trop de patients se culpabilisent pour la détresse de ceux à qui ils tiennent.

 

Bien entendu, le cancer touche ceux qui tiennent à vous et vous aiment, bien qu’ils vivent une expérience différente de la vôtre, souvent marquée d’impuissance. Parfois, les proches n’osent pas non plus aborder avec vous ce qui entoure la maladie, de peur de vous surcharger, pensant vous protéger. Ils restent pris avec le désir de vous aider, sans trop savoir comment s’y prendre, impuissant. Le silence n’est donc pas protecteur pour personne puisqu’il vous prive d’un soutien disponible et parce qu’en retour, il prive vos proches de se sentir utiles ou rassurés. Briser le silence s’avère donc une protection pour le bien-être de tous, à plus long terme. Les autres pourront bien comprendre vos réactions variées, telles que vos impatiences ou frustrations, et vos besoins, à partir du moment où vous les exprimez plus clairement. N’ayez pas peur d’être un fardeau. Si une communication fluide s’installe avec vos proches, ayez confiance qu’ils seront en mesure de vous indiquer leurs propres limites et besoins. Pour plus de détails sur les relations intimes ou amoureuses. Voir section Sexualité & Cancer.

Il se peut que certains de vos proches composent plus difficilement avec votre cancer. Sachez que la plupart des services de soutien émotionnel offerts aux patients sont également disponibles pour les proches aidants. N’hésitez pas à faire part de vos inquiétudes face à la réaction d’un proche à votre médecin traitant, votre infirmière pivot ou celle supervisant votre traitement de chimiothérapie, ils sauront où les référer afin de recevoir de l’aide.

ON M’ANNONCE LA FIN DES TRAITEMENTS. LES AUTRES AUTOUR DE MOI SE RÉJOUISSENT, MAIS JE N’ARRIVE PAS À RESSENTIR LA MÊME JOIE. EST-CE NORMAL DE NE PAS SIMPLEMENT ME RÉJOUIR? 

Tout à fait ! Les autres sont heureux et rassurés de vous savoir rescapé de cette maladie qui fait peur! Par ailleurs, vous, vous venez de traverser un marathon qui vous a sollicité considérablement tant au plan physique que psychologique. La fatigue se fait souvent ressentir, quand la pression retombe et que le « danger » s’éloigne. Elle s’ajoute à la fatigue associée aux traitements. Pour beaucoup, la joie n’est pas nécessairement l’unique émotion ressentie. Vous portez en vous une expérience qui vous a marqué et qui a pu être associée à des craintes ou toute autre émotion désagréable. Les patients vivent souvent une certaine ambivalence à la fin des traitements, partagés entre les préoccupations et la joie d’en avoir fini.

Si vous demeurez inquiets par rapport à une récidive ou à votre santé en général, gardez en tête que l’équipe médicale assurera un suivi régulier avec vous. Tentez de vous ramener au moment présent. Redéfinir ses priorités et foncer vers des projets qui vous tiennent à cœur, à votre rythme, vous permettront de sentir que vous êtes vivants. Peu à peu, en vous réinvestissant dans vos anciens et nouveaux projets, tout en recevant des résultats de scan positifs, l’angoisse de la récidive devrait s’atténuer. Il se peut que certaines périodes annuelles demeurent plus sensibles à l’angoisse, telles que la date du diagnostic, l’attente de résultats de scan, etc. Dans ces temps, tentez de vous occuper à des activités qui vous apaisent ou vous changent tout simplement les idées. Cette expérience est en vous, on ne peut l’effacer, mais des moyens d’atténuer la peur et l’angoisse existent. C’est à vous d’explorer ce qui vous convient individuellement.

C’est parfois à ce moment que certains ressentent le besoin de consulter une aide professionnelle. Il n’est pas anormal de ressentir des émotions contradictoires ou de l’anxiété. En effet, il peut être difficile de réintégrer les rôles (étudiants, travailleurs, amoureux, etc.) que vous occupiez avant l’épisode du cancer, comme si rien n’avait changé, ou encore de contenir la peur de la récidive. Certains trouvent qu’ils ont changé au point de ne plus se sentir bien dans leurs anciens rôles. N’hésitez pas à utiliser cette période de transition pour opérer des changements dans votre vie. Le cancer est une expérience marquante qui peut vous faire réfléchir sur vous et votre avenir. Vous ressourcer et prendre le temps de vous remettre de cette fatigue devrait cependant être votre premier défi. Vous trouverez sans doute vos réponses avec le temps. Si cette période transitoire vers le « retour à une vie dite normale » devient source de détresse psychologique pour vous, n’hésitez pas à consulter en psychologie.

Sommairement, le cancer du testicule est une expérience qui bouleverse profondément et qui a des répercussions dans toutes les sphères de la vie d’une personne. Gardez en tête que pour la plupart, ce sera une étape transitoire dans votre vie de jeune adulte. Elle demandera temps, patience et adaptations multiples. Que pouvez-vous faire pour vous aider ? Ne restez pas seul, consulter si vous en sentez le besoin, utilisez les ressources à votre portée et maintenez une communication active avec ceux qui vous entourent. Une mise en œuvre efficace des recommandations de votre équipe médicale mettra également toutes les chances de votre côté pour l’amélioration de votre état et de votre bien-être. Ce sont des manières de prendre soin de vous au travers de votre trajectoire de soins. Rappelez-vous qu’il n’y a pas de bonne ou mauvaise façon de réagir à la maladie. Respectez votre rythme personnel et vos besoins. Faites-vous confiance!

 

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Source : Texte rédigé par une psychologue et une travailleuse sociale de l’équipe interdisciplinaire suprarégionale d’uro-oncologie du CHUM, 2014.